Dans la presse

Le Monde

Le 73e Septembre musical de Montreux marque la dernière édition de Tobias Richter, patron de la manifestation depuis 2005. En attendant la conclusion au zénith de ces quatorze années riches en événements avec les familiers du lieu, Martha Argerich et Charles Dutoit, l’Orchestre français des jeunes (OFJ) était programmé, mercredi 5 septembre, à l’auditorium Stravinski. Une formation, actuellement en résidence dans la région Hauts-de-France, qui a vu défiler depuis 1982 des centaines d’instrumentistes désireux de se former au métier de l’orchestre, sous la férule de chefs renommés, d’Emmanuel Krivine (qui a cumulé trois mandats en discontinu) à Marek Janowski, en passant par Jean-Claude Casadesus, David Zinman, Dennis Russell Davies et Jesus Lopez Cobos. Des noms qui en disent long sur le sérieux et l’ambition du projet.

 

DEPUIS 2017, C’EST À LA BAGUETTE TALENTUEUSE DE FABIEN GABEL QU’A ÉTÉ CONFIÉ LE DESTIN ANNUEL D’UNE CENTAINE DE JEUNES ISSUS DES CONSERVATOIRES FRANÇAIS

 

Depuis 2017, c’est à la baguette talentueuse de Fabien Gabel qu’a été confié le destin annuel d’une centaine de jeunes majoritairement issus des conservatoires français, réunis deux fois par an, en été et en hiver, pour des sessions de travail. Commencée à la mi-août, la session d’été 2018, dont la tournée de concerts a débuté à Bucarest le 29 août, s’achèvera à Lille le 7 septembre. Au programme, une pièce pour orchestre du Canadien Samy Moussa (né en 1984), Crimson, commandée par Pierre Boulez en 2015 pour le Festival de Lucerne. Eclats de cuivres, longues tenues d’accords dissonants, hachurages percussifs, cordes en suspension, cette écriture explore avec intensité un monde sonore des profondeurs, des ténèbres épaisses traversées de traits fuligineux. Succès assuré pour la centaine de nos juvéniles « premiers de cordée ».

Bien que peu programmé, le Concerto pour violon n° 3, de Saint-Saëns, est passé un jour dans l’oreille de tout mélomane. Son inspiration romantique, rhapsodique et élégiaque, convient bien au violon fruité de Nicolas Dautricourt, qui joue un beau Stradivarius de 1713, le Château Fombrauge, mis à sa disposition par le mécène Bernard Magrez. Quelque peu tendu dans les passages virtuoses (manque de fluidité dans l’articulation), le jeu ourlé du musicien français fait cependant merveille dans un « Andantino quasi allegretto » d’une eau limpide et caressante, pris dans le balancement d’une berçante barcarolle. A la décharge du violoniste, une interprétation donnée en concert pour la toute deuxième fois.

 

Lendemains radieux

 

Au pupitre, la direction précise, ardente et expressive du directeur musical de l’Orchestre symphonique de Québec depuis 2012, dote l’orchestre d’une cohésion et d’une vitalité dont témoignera la Symphonie n° 4 op.36, de Tchaïkovski. Premier mouvement, les sombres coups de semonce du « fatum » ont laissé place au drame et à l’introspection : longue déploration des cordes entrecoupées de « sanglots ». Gabel déploie quelque chose de puissamment hypnotique, avant que les vents n’apportent la rupture bienfaisante d’une rêverie aux accents populaires qu’accompagne un magnifique pupitre de violoncelles. L’attention de chacun à l’écoute de l’autre est palpable. Il faut voir avec quelle concentration le « visage des cordes », telle une colonie de suricates aux aguets, se tourne vers les sonneries menaçantes des cuivres.

Plénitude sonore et polyphonique du deuxième mouvement, « Scherzo » d’un seul tenant dans le sfumato des pizzicati de cordes, l’exultation des tuttis dans le brillant « Allegro con fuoco » final donnera la pleine mesure d’un engagement qui augure de lendemains radieux pour la musique classique. Prochain rendez-vous parisien de l’OFJ, le 13 décembre à la Philharmonie de Paris, avec la soprano allemande Petra Lang.

 

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